A contre-courant
- Uriell Hirel
- 10 févr.
- 2 min de lecture

Je quitte le sud, je quitte la mer, les étangs et les roses flamands, les pins et l'ocre de la terre
Je quitte les villages perchés, les gondoles de Martigues, les reflets colorés
Mais avant tout, je quitte avec une immense libération mon unique compagne nommée solitude, à mes côtés depuis trois longues semaines.
Contrainte de renoncer avec beaucoup de regrets aux virées à vélo sur plusieurs jours, jamais je ne me suis sentie aussi cloisonnée, bridée, enfermée dans les quelques mètres carrés de ma maison bleue dès la nuit noire tombée tout en étant paradoxalement plus libre que jamais. Là où le vélo est ma bouée, ma joie et ma vitalité, sur des routes toujours peuplées de rencontres, la route en camion m'a semblée terriblement vide, froide, inanimée. Si j'avais été Robinson Crusoé, aurais-je survécu à cette incommensurable solitude ? Aurais-je sombré dans la folie ? Aurais-je choisi la mer comme lit infini ? Par chance, j'ai la liberté de choisir de quitter mon île déserte. C'est pourquoi, au lieu de rentrer par le sud-ouest, je choisis de remonter par le Rhône où la chaleur humaine m'attend. Ce soir, Arles m'accueille et déjà j'ai cette étrange sensation de revenir à la vie, de fermer la porte d'un autre temps, un temps étrangement suspendu et étouffant. Demain, au plus tard mardi, je serai avec mes amis ardéchois. Cette simple pensée m'émeut autant qu'elle me réjouit. J'éprouve la même excitation qu'à la veille d'une rencontre amoureuse. La chaleur humaine va reprendre ses droits. Oui, j'ai souffert de ce non choix imposé par mon corps. Oui, comme toujours je me suis adaptée . Et j'ai puisé en moi de nouvelles ressources à commencer par me réjouir de ce qui était autour de moi, à savoir l'omniprésence de l'eau…
Les eaux de Martigues sont venues m'entourer et m'apaiser comme autant d'amis absents. Dans l'immensité de ce miroir vivant, j'y ai jeté mes larmes bercées par les reflets colorés, ondulants et bienveillants. A quelques encablures de là, prise entre deux eaux sur les dunes du Jaï, en fragile équilibre entre deux étangs, le Mistral, lui, balayait le paysage steppique, les marais et lagunes couleurs d'automne. Moi, à contre-courant, contre lui, je me suis engouffrée dans une marche forcée. Le vent m'a traversée, le vent a emporté le poids de ma pesanteur. Le vent fou, fou de joie, ivre par la beauté de son terrain de jeu, m'a accompagnée sur le chemin du retour, son souffle puissant me poussant avec la légèreté d'une enfant désormais éblouie par tant de lumière, la grâce des couleurs et le soleil sur mon corps exalté.
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